Philippe Lacoche : être Picard n'est pas une maladie...

Bretagne, Alsace, Normandie, etc. Toutes les régions françaises dans une collection bien pensée aux Éditions Héliopoles. Et pour ce mois d'avril, un nouveau rendez-vous littéraire à ne pas rater.  Celui proposé avec la complicité de l'écrivain et journaliste Philippe Lacoche : Je suis Picard mais je me soigne.

Mais avant de présenter cet essai, une précision. Il y a les gens qui sont nés quelque part comme le chantait Brassens et... les autres. Moi je suis de la deuxième catégorie.
Après avoir vécu dans cinq régions différentes, je reste aujourd'hui très attaché à La Nouvelle-Aquitaine (plus précisément à l’ex-Poitou-Charentes) où j'ai décidé de m'installer. Cela ne m'empêche pas de conserver un souvenir ému des territoires que j’ai quittés (Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Normandie, Picardie, Champagne-Ardenne).

Ceci pour dire que quand je regarde dans le rétroviseur, je m'aperçois que, outre la beauté des paysages, l'architecture audacieuse des monuments, la grandeur des faits historiques ou encore la richesse du patrimoine culturel dans chacune des régions précitées, c'est ma rencontre avec des gens « nés-natifs » – ces mêmes gens nés quelque part – qui m'a le plus marqué. J'ai toujours appris d'eux.

"Lacoche n'a pas la Picardie triste"

La Picardie, j'y ai vécu trois ans. Ceci explique la raison pour laquelle la lecture de Je suis Picard mais je me soigne (1) ne m’a pas laissé indifférent. Son auteur Philippe Lacoche, un Axonais né à Chauny mais ayant été élevé à Tergnier – c'est important de le préciser pour l'intéressé– ,  raconte en 200 pages son amour pour « son pays » et sa fierté d’être Picard. Comme dit de lui dans une courte introduction l'écrivain Jacques Darras, « Philippe Lacoche n'a pas la Picardie triste ». Il le prouve tout au long de son ouvrage.

Certes impossible de passer sous silence la Picardie meurtrie à travers les siècles. À cause bien sûr de sa situation géographique qui l'a placée au carrefour des invasions les plus meurtrières. Depuis celles des barbares jusqu'à celle de 14-18 ancrée profondément dans la conscience collective des Picards. La Somme et l'Aisne portent encore les traces aujourd'hui de villages rasés par la mitraille. Et puis enfin la déferlante nazie de 39-45.
La Picardie meurtrie aussi en raison du redécoupage des régions de 2015, acté par un François Hollande pas très bien inspiré, qui enleva à Amiens son titre de capitale régionale. Et effaça du même coup de la carte de France, une entité territoriale longtemps en mal de reconnaissance, mais qui se battait dur comme fer pour subsister.

Une Picardie créatrice
 

Mais une Picardie aussi résolument résiliente. Cette région  fut – et est toujours – une terre d'initiateurs, de créateurs et de bâtisseurs. Philippe Lacoche cite en les resituant dans l'histoire : Jeanne Hachette, Saint-Simon, Calvin, Condorcet, Desmoulins, etc. Il évoque aussi les châteaux forts de Coucy, Boves, Picquigny, etc. et les  édifices religieux d'Amiens, Laon, Soissons, etc. Sans négliger une large place à la Picardie littéraire (d'auteurs nés ou de passage) : Jean de La Fontaine, Jean Racine, Pierre Choderlos de Laclos, Jules Verne, Alexandre Dumas, Roland Dorgelès, Pierre Mac Orlan, Yves Gibeau, etc. Et aussi quelques célébrités : Hubert de Givenchy, Benoît Delépine, etc.

L'ouvrage évoque également les paysages sauvages comme ceux de la baie de Somme – que l’auteur compare au Connemara ou au Kerry en Irlande   –, la mystérieuse Thiérache - et son incomparable maroilles - ou encore le pétillant sud de l'Aisne où le vignoble (pour le champagne) impose sa géométrie.

Le lecteur appréciera au passage quelques anecdotes truculentes qu’il serait sacrilège de révéler ici. 

Ej te définds d'perler comme o !

Bien entendu la langue picarde a également la part belle dans cette évocation. Elle a forgé le caractère – et sauvegardé la culture locale – de plusieurs générations de Picards. Jusqu'au jour où elle représenta dans les années 1950 un marqueur social dégradant. 

Ej te définds d'perler comme o ! (Je te défends de parler comme ça !). C’est ce que disait la grand-mère de Jean-Marie François, aujourd’hui conteur et auteur patoisant, qui signe dans ce livre quelques pages consacrées à la langue Picarde. 

Je ne terminerai pas cette présentation sans signaler la préface de l'ouvrage signée du regretté Philippe Tesson. Un autre Picard, originaire de la Thiérache profonde, qui nous parle de la Picardie comme d'un joli poème : « Ainsi, depuis la Gaule, s'est faite avec le temps la Picardie par une addition de « pays », addition dessinée par l'histoire : Vermandois, Beauvaisis, Vexin, Laonnois,Thiérache, etc, on croirait du Péguy ! ».

(1) Je suis Picard mais je me soigne de Philippe Lacoche. Éditions Héliopoles.




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