Maison de Pierre Loti à Rochefort : un voyage extraordinaire entre quatre murs


Une longue parenthèse de travaux et enfin le plaisir, depuis juin 2025, de (re)visiter la Maison de Pierre Loti à Rochefort

Un lieu improbable où l'imagination de l'auteur (1850-1923) et ses incroyables lubies se nichent jusque dans les coins et les recoins d'une double habitation sur trois niveaux. 
Tout est fait ici pour dérouter l'invité d'hier et le visiteur d'aujourd'hui :
L'extérieur strict dans le goût de l'époque et le style de la Charente-Maritime – donnant sur la rue Pierre-Loti bien évidemment – cache derrière ses murs une débauche architecturale qui 
se prolonge, à l'arrière, avec un charmant jardin clos

À la manière de Monte-Cristo

Dès l'entrée, un salon rouge, servant d'antichambre aux murs ornés de portraits de famille de bonne facture, signés de Marie Bon (la sœur), accueille le visiteur. Il donne accès à un salon bleu, d'esprit Renaissance, ouvert lui-même sur un majestueux hall d'accueil, tout en extravagances baroques où un large escalier en pierre en forme d'entonnoir ouvre la voie à l'imaginaire. Laissant supposer à l'étage d'autres excentricités.
Le décor est planté destiné à afficher la respectabilité du maître des lieux.

C'est qu'il s'agissait pour Julien Viaud adulte – devenu par son nom de plume Pierre Loti –, d'impressionner les amis et les relations. De refléter, aussi, la célébrité littéraire acquise et la magnificence retrouvée après une sombre histoire comptable du temps du père qui avait entraîné la saisie des biens familiaux et vu le fils s'endetter pour se réapproprier les murs de son enfance. 

Comme une revanche sur le destin, Julien-Pierre Viaud-Loti a construit son nouvel univers dans un
 amalgame choisi de  meubles, de chaises, de fauteuils et de tapis onéreux, conférant à cette banale maison de ville une ambiance cossue. Celle de la réussite sociale, militaire et littéraire.
Une variante, en quelque sorte, du Comte de Monte-Cristo.

Madame Chrysanthème

Toujours au rez-de-chaussée, derrière une porte discrète, se dissimule la recomposition de l'univers solennel et rougeoyant d'une pagode japonaise.
 Y sont accumulés les vestiges mémoriels des voyages de l'auteur au Pays du Soleil levant
On s'attend à voir apparaître Madame Chrysanthème.

Ensuite dans le dédale alambiqué de l'étage, un défilé de pièces lourdement décorées 
de sculptures, de tentures, de médaillons, de tableaux de famille et de portraits de l'écrivain dans sa vie intime, civile ou militaire, met à mal le sens de l'orientation du visiteur.

On retiendra, à ce niveau, une salle gothique éclairée au travers de flamboyants vitraux et lourdement chargée de bois sombres délicatement travaillés de plis et de replis
Une imposante
 cheminée en pierres sculptées y trône en majesté.  

Plus loin, dans l'étroitesse des chambres sombres des aïeules sont conservés les souvenirs du temps jadis. 


Chambre monacale

En poursuivant la déambulation, on distingue au passage, en tordant le cou et sans pouvoir y pénétrer, le bureau de Gustave (le frère). 
Puis, un peu plus loin, la chambre de l'auteur, cellule monacale aux représentations religieuses mélangées accrochées aux murs 
(christianisme, islam, bouddhisme, ...)
En contraste total avec le reste de l'habitation.


Seule présence, dirions-nous physique, de Pierre Loti : une main moulée est posée sur une petite table en bois au milieu de la chambre comme le vestige d'une époque où la création littéraire se bâtissait au rythme lent d'une plume sur le papier.

À ce moment de la visite et alors que vous pensez en avoir terminé avec cette démonstration ostentatoire du monde, vécu ou imaginé par Pierre Loti et enfermé entre quatre murs, vous découvrez encore une majestueuse Mosquée et un Salon turc, souvenirs d'un Orient, chéri par l'écrivain-voyageur. 

        Si la visite d'une Maison d'écrivain a souvent pour effet de se rapprocher d'un auteur en plongeant dans le passé et son passé, la découverte de la Maison de Pierre Loti est en bien des points déroutante. L'écrivain s'est amusé, ici, à imprégner sa signature et à dissimuler les multiples facettes de sa personnalité derrière la décoration de chaque pièce (un peu à la façon d'Alexandre Dumas à Port-Marly ou de Victor Hugo à Guernesey). 


 

Le masque Kanak de Pierre Loti dans un polar
Le masque Kanak que l'écrivain avait reçu en cadeau se trouvait dans le bureau de Gustave. Aujourd'hui cette impressionnante représentation tribale en provenance de la Nouvelle-Calédonie est conservée au Musée Hébre, situé en centre-ville de Rochefort.

L'idée d'écrire un roman policier autour de ce masque a germé lors d'une visite de ce musée. L'ouvrage avec des retours dans le passé raconte l'impression laissée par cet objet rituel sur les Rochefortais (amis et visiteurs) de la fin du XIXè siècle. 

La fiction a pris le pas ensuite sur la réalité pour bâtir une intrigue qui se déroule de nos jours.
"La prophétie du masque des ténèbres" de Roger Anglument aux éditions Sud-Ouest. En vente en librairies et maisons de la presse ainsi que sur les plateformes dédiées aux livres.

Pour en savoir plus sur Pierre Loti, il est recommandé de lire les ouvrages qui lui ont été consacrés par l'enseignant, historien et auteur Alain Quella-Villéger.

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